dimanche 4 avril 2010

Les choses

Je suis presque gênée de révéler ceci. Nous avons acheté pour 5 euros un parapluie à notre sixième mois en Italie à l'un de ces zillions de vendeurs itinérants de mouchoirs, de chaussettes et de parapluies.

Quel drôle d'objet. Le genre qu'on oublie, qu'on égare, qu'on n'a pas avec soi quand l'un serait utile, dont on heurte d'autres poissons mammifères avec les baleines ou dont le maniement nous prive d'une main. Avez-vous déjà essayé de tenir la main à deux enfants ou transporté des sacs ou manié un appareil photo en maniant un parapluie ? C'est bien pourquoi je n'en avais plus.

Celui que Marthe a acheté s'est vite brisé à Lucca. Le nôtre n'a pas toughé cinq heures.

Cinq euros pour cinq heures. Je m'y attendais. C'est le principe qui me fait capoter. Le Panthéon de Rome tient debout depuis presque 19 siècles et en cette fin de semaine de Pâques, des milliers de personnes ont acheté dans l'ancien centre du monde quelque chose de cheap et d'éphémère comme la pluie – un parapluie – vendu par un journalier itinérant immigrant et fatican comme un maragouin mais peut-on lui en vouloir... ? Un parapluie vite consommé et jeté – je ne connais pas un chat réparateur de parapluies (à part vous et moi dans nos temps libres).

Ce n'est même pas de la consommation par coquetterie ou par besoin, ni de la consommation thérapeutique, comme quand on achète une nouvelle chemise, un lit, ou n'importe quoi se connectant dans un mur (l'homme) ou qui se porte (la femme). C'est de la consommation de merde, de merde made in China ou ailleurs, pour combler un petit besoin de rien de tout, un désir de luxe finalement : la plupart d'entre nous ne sommes pas faits en chocolat.

Quelques pièces de monnaie par rapport à combien d'heures et de yuans nécesaires à la fabrication de la chose ? En plus elle faillit à sa fonction de me tenir au sec parce qu'elle est trop étroite, d'ailleurs ils essayent de m'en vendre une plus large quand ils voient que j'en ai déjà une. Mieux et plus ; c'est la base de l'affaire : créer des besoins.

+++

ATTENTION : Le texte suivant est censuré...

J'ai mentionné en novembre ici le nom de François Prévost. Ce participant de la Course Destination Monde devait me trouver cute* en sortant du studio de Radio-Can puisqu'il avait décidé de me prêter, comme ça, son grand sac à dos pour mon prochain voyage de cyclotourisme. Or, je lui avais rendu son sac brisé. Je me trouvais fort mal à l'aise de rendre défectueux un objet prêté en bonne condition. Il avait réagi en me disant qu'il n'y avait rien là, que c'était dans la nature des choses de briser et que ça faisait partie de leur destinée d'objet en somme. Et même, que ça leur donnait comme du vécu. Je l'avais trouvé zen.

Où je veux en venir ?

Nous vivons dans un appartement rempli d'objets, de bibelots. J'ai l'impression d'habiter chez une tante qui nous aurait invitée à venir coucher ; veuve, son mari descendait apparemment d'un noble napolitain qui lui aurait légué ses biens ! Or, plusieurs objets sont brisés. Autrement dit, ils ne sont plus en état de fonctionner normalement.

L'amie de la propriétaire, venue faire une visite l'autre jour pour réparer quelque chose (!) nous a autorisés à jeter à notre guise toutes ces petites choses brisées ; son amie ne s'en rendrait pas compte, elle qui vit désormais à Florence. Dieu qu'elle est ramasseuse, a-t-elle dit en substance, but she has such a good heart! 

Mais qui oserait jeter des choses ne lui appartenant pas ?

Des tas de souvenirs personnels remplissent l'endroit, tasses, livres, tableaux, parfum, céramiques... Je présume que la veuve n'a jamais fait le ménage dans son ancien centre du monde à elle. (J'en connais qui reniferaient devant tant d'affaires et de poussière.)

Chez soi on fait ce qu'on veut. Bien entendu. Mais nous sommes clients, pas cousins.

Tout le monde trimballe un baluchon et décide ce qu'il garde dedans ; cela le regarde. Dans un appartement de location, c'est une autre histoire. Vaut mieux faire un tri avant de mettre son habitation sur le marché, à remplir des sacs au besoin et entreposer lesdits sacs dans un racoin avant de donner les clés, me semble.

Maintenant il faut que j'aille dire cela à la dame sans briser notre lien...

* peut-être que j'ai tout faux ; il a peut-être prêté son affaire par générosité, ce qui n'étonnerait pas de ce soignant que je ne connaissais pas, pas plus qu'aujourd'hui

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire