En voici quelques extraits (Éditions du Seuil, 1959, pour la traduction française).
Sur Palerme :
Ils tombèrent en extase devant le panorama, devant l'impétuosité de la lumière. Ils avouèrent pourtant qu'ils avaient été pétrifiés de surprise devant l'aspect désolé, la vétusté, la saleté des rues qui menaient chez moi. (p.169)Sur la météo :
Le soleil, qui était pourtant loin d'avoir toute sa force en cette matinée du 13 mai, se révélait l'authentique souverain de la Sicile : violent et impudent, fort comme un narcotique, il annulait les volontés individuelles, et maintenait les êtres dans une immobilité servile (p. 39)
mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, six fois trente jours de soleil vertical sur nos têtes (...) chez nous il neige du feu (p. 165)Sur la culture et l'histoire siciliennes :
Nous autres Siciliens, une très longue suite de gouvernants qui n'appartenaient pas à notre religion, qui ne parlaient pas notre langue, nous a habitués à couper les cheveux en quatre. C'était la seule façon d'échapper aux exacteurs byzantins, aux émirs berbères, aux vice-rois espagnols.
(...) En Sicile, peu importe que l'on agisse bien ou mal : le seul péché que nous ne pardionnions pas, nous autres Siciliens, c'est tout simplement l'action. Nous sommes vieux (...) Il y a au moins vingt-cinq siècles que nous portons sur nos épaules le poids de civilisations magnifiques, toutes venues de l'extérieur ; aucune n'a germé chez nous (...) nous sommes une colonie.
(...) j'ai dit les Siciliens, je devrais ajouter la Sicile, l'atmosphère, le climat, le paysage siciliens. (...) Cette violence du paysage, cette cruauté du climat, cette tension perpétuelle de tout ce que l'on voit, ces monuments du passé, magnifiques mais incompréhensibles, parce qu'ils sont construits par d'autres (...) (pp. 163-169)Sur la coquetterie italienne :
Du moins Tancrède s'était-il porté garant d'un rasage parfait et de chaussures convenables : c'était déjà quelque chose. (p. 195)Sur la vie :
Il se réveilla à la pointe de l'aube, englué de sueur et de puanteur, et ne put s'empêcher de comparer ce voyage répugnant à sa propre vie : elle s'était déroulée d'abord à travers des plaines riantes, avait escaladé des montagnes abruptes, s'était insinuée à travers des gorges menaçantes, pour déboucher enfin sur d'interminables ondulations de terrain, d'une couleur monotone, désertes comme le désespoir. (p. 55)
Ils offraient le spectacle le plus pathétique que l'on pût voir : celui de deux êtres très jeunes, amoureux, qui dansent ensemble, aveuglés à leurs défauts réciproques, sourds aux avertissements du destin, persuadés que le chemin de leur vie sera lisse comme le plancher du salon. (p. 204)
Il n'y avait pas eu d'ennemis, mais un unique adversaire : elle-même. Son avenir avait été détruit par sa propre imprudence (...) elle voyait lui échapper la dernière consolation des affligés, le dernier philtre qui trompe leur douleur : elle ne pouvait plus attribuer aux autres son malheur. (pp. 246-247)Sur la peur de mourir :
Et il resta immobile, plongé dans le grand silence extérieur, dans l'épouvantable grondement intérieur. (p. 223)
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